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Quand le polar vient du froid : rencontre avec Olivier Truc

Retour sur la rencontre littéraire* avec Olivier Truc, le grand auteur nordique de polars, venu partager avec les élèves de 2°3, le 7 décembre 2017, sa passion pour son métier de journaliste et d’écrivain. Les échanges ont permis de mieux explorer l’univers de son dernier roman paru en octobre 2016, La Montagne rouge, dont les élèves avaient lu des extraits. Ils avaient aussi abordé en cours d’EMC la problématique de la discrimination dont souffre le peuple Sami, minorité autochtone constituée de 70 000 habitants, répartis en Norvège, Suède, Finlande et Russie.

Cet auteur est particulièrement apprécié du public, ce qui se vérifie aisément au nombre de prix qu’il a reçus pour Le Dernier Lapon, (23 prix des lecteurs pour ce premier roman, issu de la trilogie sur la police des rennes). Cette trilogie nous transporte dans le Grand Nord, région qui n’a plus de secrets pour Olivier Truc.

Retour sur sa carrière

Olivier Truc est né le 22 novembre 1964 à Dax et vit depuis 1994 en Suède, à Stockholm, où il est correspondant du journal Le Monde et du magazine Le Point pour les pays nordiques et baltes. A l’âge de 17 ans, il se lance dans le journalisme, car sa passion de jeunesse est le reportage de voyages. Il débute sa carrière littéraire en 2006 avec la publication de L’imposteur, enquête policière dans laquelle il raconte, à la première personne, l’histoire d’un sous-officier français, Richard Douchenique-Blostin, prisonnier de guerre en union soviétique et rescapé du goulag pendant la seconde guerre mondiale. « La survie de cet homme, tient en partie, au fait qu’il aurait dissimulé une partie de sa vie pour sauver sa peau ». L’éditrice a trouvé cette idée tellement extraordinaire, qu’elle a fait la proposition à Olivier Truc de lui faire écrire un roman, ce qui paraissait pourtant improbable à cette époque. En 2008, il publie avec Christian Catomeris, une enquête sur le destin dramatique des anciens plongeurs de l’industrie pétrolière en mer du Nord, dont la majorité d’entre eux sont morts par accident ou se sont suicidés. Cette enquête est construite d’après lui, « à la manière du cinéma hollywoodien » pour dénoncer la responsabilité des hommes politiques et de la société d’exploitation de pétrole. Puis il s’est lancé dans l’écriture de trois tomes dédiés à la police des rennes : Le Dernier Lapon (2012), Le Détroit du loup (2014), et La Montagne rouge (2016), en allant jusqu’à partager le quotidien des policiers par moins 30°C dans la toundra pour ce dernier roman. Il considère être arrivé à une forme de maturité en écriture et avoir eu comme une révélation pour le polar, ce qui lui a permis d’être particulièrement créatif, alors qu’au départ il envisageait plutôt d’écrire des chroniques des coulisses de la vie du Grand Nord.

Dialogue avec les lycéens

Pourquoi avez-vous choisi de vivre à Stockholm ?

« J’ai débuté mon métier de journaliste à Montpellier, au quotidien régional Midi Libre en 1986 ; j’y ai rencontré une Suédoise avec laquelle j’ai choisi de faire ma vie en suède. »

Avez-vous vécu avec les Samis ?

« Oui, en Laponie, (Samis) avec lesquels j’ai réalisé beaucoup de reportages. » Il explique alors aux élèves qu’ils ont les mêmes modes de vie que les Français, qu’ils ne vivent pas dans des tentes, mais dans des villes similaires aux villes d’Europe. Jusqu’en 1960, une partie d’entre eux s’occupait des rennes, un peu comme font les bergers avec les troupeaux de moutons dans les zones montagneuses. Mais il explique qu’actuellement, ils ne sont plus nomades et vivent dans des maisons ; que 10 % d’entre eux utilisent des scooters des neiges. Pendant la transhumance, qui peut représenter jusqu’à 300 kms de marche, ils apprécient de renouer avec la vie ancienne et plantent des tentes, pour le côté convivial.

Pourquoi avez-vous choisi de parler des Samis dans vos romans ?

Au départ, il reconnait avoir eu une image d’eux de type cliché, en tant qu’éleveurs de rennes. « A cette période, quand je suis arrivé en Suède, j’avais à apprendre la langue suédoise et comprendre le modèle nordique, qui est considéré par le plus grand nombre, comme un modèle de société progressiste. Puis je me suis intéressé aux droits de l’homme et à celui des minorités, dont les Samis, qui vivent en Laponie. La deuxième élection au Parlement de Sami en Suède de 1997, a été une occasion de faire connaissance avec eux dans le bureau de vote. » Il s’est aperçu du désintérêt des Suédois pour la Laponie, alors qu’elle représente 50 % du territoire de la Suède, il a pris conscience que la Laponie était une terre de conflit et que les Samis étaient discriminés. « Je remarque », a-t-il confié aux lycéens, « que les Suédois sont sensibles aux injustices dans le monde, alors qu’ils se désintéressent de cette population, qui vit sur son territoire et je constate le fossé entre l’image des Suédois (la leur et celle des autres pays à leur égard) et la situation de leur propre minorité : il s’agit d’un double langage qui m’interpelle. »

Quel est le temps que vous consacrez à l’écriture d’un roman ?

« Deux ans, mais pas à plein temps sur un roman. J’opère un découpage en 4 phases : 1er temps, celui de l’enquête, suivi d’un voyage sur le terrain, qui consiste à « voir, sentir, et entendre ». 2ème temps : le temps de la lecture. 3ème temps : travail sur le synopsis et le plan ; je commence à créer mes personnages. Le 4ème temps est décomposé en deux phases d’écriture, un premier jet, comprenant une première partie plus détaillée que la deuxième, immédiatement suivie d’une phase de relecture, qui vérifie la logique, la cohérence et le rythme, puis un 2ème jet, qui correspond à une période de réécriture, suivie d’une dernière phase de relecture du livre à travers les yeux d’un personnage, pour la vérification de la cohérence globale du roman. »

Quel est le thème de votre prochain roman ?

« Il s’agit d’un « reportage dans les archives », qui sera un roman historique se passant au 17e siècle, inventé et très différent du style journalistique. Je souhaite m’engager dans un récit et retrouver la vraie vie des personnages, en explorant leur psychologie. »

Dans quelle langue écrivez-vous ?

« J’ai appris le suédois par nécessité et pour mon travail de journaliste. J’écris naturellement en français, qui est ma langue maternelle, d’autant que mes romans sont tous traduits, comme Le Dernier Lapon qui a fait l’objet de traductions dans une vingtaine de langues. »

Vivez-vous de votre écriture ?

« J’ai besoin d’un lien avec le réel, c’est pour cette raison que je ne peux pas me passer du journalisme. Je vous avoue vivre mieux qu’auparavant, depuis que je suis publié. »

Lequel de vos livres avez-vous le plus aimé écrire ?

« Le premier, car j’ai ressenti une forme d’excitation. Mais j’estime que chaque livre a sa particularité. J’ai appris mon métier en écrivant. Mon dernier livre possède plus de 60 personnages et certains sont encore bien présents à mon esprit. J’ai plus d’une dizaine de projets de livres en tête, dont un roman déjà évoqué plus haut. Comme mes enfants sont grands maintenant, je peux accorder plus de temps dans l’exercice de mon métier de romancier. »

La rencontre s’est prolongée autour d’un moment convivial, au cours duquel l’auteur a troqué, l’espace de quelques instants, son statut d’écrivain pour celui de serveur, ce qui lui a permis d’être en complète immersion avec les lycéens, un peu comme il a l’habitude de le faire dans le Grand Nord, avec la population locale.

Emmanuelle Gentil, animatrice culturelle, LJM, 2017

* rencontre organisée dans le cadre du dispositif ‘Écrivains en partage’, en partenariat avec la librairie Le Texte Libre

 

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